Je lisais. Que lisais-je ? le vieux livre austère,
le poème éternel ! --La Bible ?--Non, la terre.
Platon, tous les matins, quand revit le ciel bleu,
lisait les vers d'Homère, et moi les fleurs de Dieu.
J'épèle les buissons, les brins d'herbe, les sources ;
et je n'ai pas besoin d'emporter dans mes courses
mon livre sous mon bras, car je l'ai sous mes pieds.
Je m'en vais devant moi dans les lieux non frayés,
et j'étudie à fond le texte, et je me penche,
cherchant à déchiffrer la corolle et la branche.
Donc, courbé,-- c'est ainsi qu'en marchant je traduis
la lumière en idée, en syllabes les bruits,
--j'étais en train de lire un champ, page fleurie.
Victor Hugo
" Les Contemplations, Livre III : les luttes et les rêves "